La vente sans garantie légale de qualité en immobilier
Auteure: Claudia Chauvette, Avocate, Courtier immobilier agréé
Entre 2019 et 2022, le marché immobilier a connu une grande effervescence en raison de la pandémie et des bas taux d’intérêt. La vente sans garantie légale qui était une pratique assez limitée est devenue de plus en plus courante dans les transactions immobilières.
Cet article vise à énoncer les grands principes qui entourent le concept de la vente sans garantie légale afin de permettre aux acheteurs et aux vendeurs de mieux comprendre les conséquences sur leur transaction.
Les deux types de garantie légale
La garantie légale de qualité comprend deux volets, soit la garantie du droit de propriété et la garantie de qualité. Celles-ci s’appliquent de plein droit, c’est à dire qu’à moins de mention spécifique d’exclusion, elles sont incluses sans qu’il soit nécessaire de les prévoir au sein d’un contrat.
La garantie du droit de propriété
La garantie du droit de propriété concerne les vices de titre et c’est le notaire qui a l’obligation d’effectuer les vérifications à cet égard. Le vendeur devra fournir à l'acheteur un bien qui respecte les conditions suivantes:
- Qui est libre de tous droits, autres que ceux déclarés par le vendeur, de toutes les hypothèques l’affectant, sauf celles assumées par l’acheteur;- Qui ne fait pas l’objet d’empiètement de la part du vendeur ou d’un tiers;- Qui ne déroge à aucune limitation de droit public, sauf celles dénoncées par le vendeur ou celles que l’acheteur aurait dû découvrir1.
Il peut arriver que le notaire recommande aux parties de souscrire à une assurance-titre afin de parer à certains empiètements ou dérogations mineures. La garantie du droit de propriété ne devrait toutefois jamais être exclue.
La garantie de qualité
En ce concerne la garantie de qualité, le vendeur doit assurer que l’immeuble est exempt de vices au moment de la vente.
La vente sans garantie légale, aux risques et périls de l’acheteur
Dans certaines situations, il est toutefois possible que le vendeur souhaite vendre la propriété sans garantie légale, notamment lorsqu’il ne connaît pas l’historique de la propriété, comme par exemple dans le cas d’une succession ou lors d’une vente sous contrôle de justice.
En procédant ainsi, le vendeur se protège d’éventuels recours que l’acheteur pourrait intenter contre lui et les précédents propriétaires en cas de découverte d’un vice caché.
Il est également possible d'exclure la garantie légale de qualité pour une portion seulement de l’immeuble. Prenons l’exemple où une inspection pré-achat révèle que la structure des balcons avant d’un immeuble est pourrie et doit faire l’objet de réparations majeures à court terme. Les parties pourraient décider d’un commun accord de faire une baisse de prix sur l’immeuble pour tenir compte des sommes que devra engager l’acheteur pour remédier au problème. Dans ce cas, les parties prendront soin de noter aux avant-contrats que la garantie légale de qualité ne s'appliquera pas aux balcons avant de l’immeuble.
Le recours en vice caché
En principe, l’acheteur qui acquiert un bien immobilier sans garantie légale de qualité ne pourra pas intenter de recours contre le vendeur en cas de découverte d’un vice caché qui était inconnu du vendeur.
Si toutefois l’acheteur a acquis l’immeuble avec la garantie légale de qualité, celui-ci aura un recours contre le vendeur s’il peut faire la démonstration des quatre éléments suivants:
- L’existence d’un vice caché suffisamment important pour que si l’acheteur l’avait connu il n’aurait pas contracté ou l’aurait fait à des conditions significativement différentes;
- Que le vice était inconnu de l’acheteur (n’a pas été divulgué ni découvert à l’inspection)
- Que le vice est antérieur à la vente;
- Que le vice était caché (par opposition à un vice apparent qui peut être repéré par un acheteur raisonnablement diligent dans les mêmes circonstances)
L’inspection préachat
Bien que l’inspection pré-achat ne soit pas obligatoire, elle devrait toujours être recommandée par le courtier immobilier à son client. Cette recommandation est d’autant plus importante lorsqu’un bien est acheté sans garantie légale. Il s’agit par ailleurs d’une excellente façon pour l’acheteur de s’acquitter de l’obligation de prudence et de diligence qui lui incombe lors de l’achat d’une propriété.
La Cour d’appel a bien résumé l’état du droit quant à l’obligation de prudence et diligence de l’acheteur :
« En résumé, lorsque l’immeuble présente un indice permettant de soupçonner l’existence d’un vice potentiel, l’acheteur prudent et diligent, qui n’a pas fait appel à un expert, doit le faire ou vérifier autrement et de façon satisfaisante ce qui est suspect. Dans le cas où l’acheteur a déjà fait appel à un expert, la présence de signes annonciateurs d’un vice potentiel oblige l’expert à faire une inspection plus approfondie. S’il ne la fait pas et qu’un vice est mis à jour, la conclusion que le vice n’était pas caché s’imposera. »2
Conclusion
En résumé, le fait qu’une propriété soit vendue sans garantie légale de qualité ne devrait pas nécessairement être un frein à l’achat, mais plutôt un signal à prendre très sérieux quant aux mesures à prendre pour en faire l’acquisition. L’acheteur devra faire preuve d’une grande diligence dans le cadre de ses vérifications et s’assurer que le prix payé est juste et reflète l’absence de cette garantie.
Dans tous les cas, il est judicieux de faire affaire avec un courtier immobilier d'expérience afin de représenter vos intérêts dans la transaction.
Cette chronique contient de l'information juridique d'ordre général et ne devrait pas remplacer un conseil juridique auprès d'un avocat ou d’un notaire qui tiendra compte des particularités de la situation de vos clients.
1 https://www.oaciq.com/fr/articles/la-garantie-legale-de-propriete-et-de-qualite-1
2 St-Louis c. Morin, 2006 QCCA 1643, para. 39